Crise de l'hôpital: Courrier interassociatif

Nos positions

Monsieur le président de la République,
Madame la première Ministre,
Madame la ministre de la Santé et de la Prévention

Objet : Crise de l’hôpital public : Les associations de patients demandent à être enfin reçues et entendues

PJ :

  • Lettre ouverte au président de la République en date du 3 juin 2022
  • Lettre de la SFGM-TC au directeur général de la santé en date du 15 juin 2022

Paris, le 28 juin 2022

Monsieur le président de la République, Madame la première Ministre, Madame la ministre de la Santé et de la Prévention,

Le 7 juin dernier, plus de 50 associations de patients et d’usagers vous adressaient une lettre ouverte faisant état de leur angoisse face à la crise de l’hôpital qui les touche de plein fouet et vous demandant de les associer immédiatement à l’élaboration de solutions pour sauver l’hôpital d’une catastrophe déjà en cours (voir PJ). Or nos associations n’ont, à ce jour, reçu aucune réponse et notre démarche semble avoir été ignorée. Les patients en général, et les malades chroniques en particulier, restent les grands absents des nombreuses déclarations médiatiques et politiques au sujet d’une crise dont ils sont pourtant les premières victimes.

Nous regrettons notamment que la mission confiée par le président de la République au docteur François Braun, afin « d’identifier d’ici le 28 juin de premières solutions opérationnelles », ne porte que sur la situation des services d’urgence, et non pas sur la situation des hôpitaux prise dans son ensemble. Nous regrettons également que les contours de la « grande conférence de la santé » annoncée pour le mois de juillet ne soient pas encore connus.

La situation dramatique des urgences n’est en effet que la partie émergée de l’iceberg et le manque de personnel, qui désorganise depuis des mois les services prenant en charge

les malades chroniques, les patients atteints de cancers et les transplantations rénales, est en pleine explosion. Aucun service, aucun établissement n’est épargné même si certains sont plus durement touchés que d’autres. Selon les données récemment publiées par la Fédération hospitalière de France (FHF), 85% des CHU ont recours à des fermetures de lits, dont le nombre augmente de semaine en semaine et double souvent le week-end ; certains services envisagent ainsi de fonctionner avec une capacité réduite de 50 % en ce début d’été !

Les pertes de chances pour les patients sont immenses. Au CHU de Toulouse, réputé comme l’un des plus dynamiques de France en matière de greffe rénale de donneurs vivants, certaines transplantations sont reportées à 2024 alors que jusqu’à une date récente, elles étaient réalisées en trois à six mois. Ces reports sont également observés dans d’autres établissements qui, légitimement, s’inquiètent de ne voir venir les moyens prévus au titre du plan greffe publié en mars dernier. Au CHU de Bordeaux, les patients atteints d’un lymphome ayant plus de 70 ans ne peuvent plus bénéficier de traitement par cellules CAR-T, qui guérissent pourtant 30 % à 40 % des malades présentant un lymphome agressif en rechute. En l’absence de ce traitement, l’espérance de vie moyenne de ces patients est de 6 mois. Or il ne s’agit pas de situations isolées puisque 39% des centres de thérapie cellulaire français ont dû sélectionner davantage leurs indications faut de personnel, comme l’indique la SFGM-TC dans une lettre adressée le 15 juin au directeur général de la santé (voir PJ). Au CHU de Bicêtre, dans le service d'hépatologie pédiatrique, centre de référence des maladies du foie de l'enfant, 10 lits sur 24 sont fermés depuis plusieurs mois, les hospitalisations programmées sont annulées, le suivi post-greffe ne peut plus être assuré dans de bonnes conditions.

Aujourd’hui, en France, on trie les patients faute de lits !

Si ces services de pointe sont fortement touchés, ce ne sont pas les seuls. Entre 2020 et 2021, toujours d’après la FHF, plus de 3 millions de séjours en chirurgie ou en médecine n’ont pas pu être réalisés, avec des conséquences pour la prise en charge des patients qualifiées « d’urgence de santé publique majeure et globale » par Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF. Or nous continuons à creuser ce retard puisqu’en 2022, l'activité à l’hôpital public continue à diminuer malgré une demande de soins en hausse, liée notamment à la dégradation de l'état de santé des patients (patients plus lourds).

Les causes de cette situation inédite sont d’abord et avant tout le manque de soignants de tous ordres : infirmiers, mais aussi aides-soignants, manipulateurs en radiologie, anesthésistes, infectiologues, etc. La forte augmentation des postes vacants résulte des difficultés à recruter, mais plus encore à fidéliser les personnels médicaux et paramédicaux, sur lesquels s’exercent une pression et des contraintes croissantes à mesure que la pénurie augmente ; on compte en effet sur « ceux qui restent » pour remplir les plannings et assurer tant bien que mal la continuité et la permanence des soins. Cela provoque une augmentation des départs des soignants vers l’intérim, le secteur libéral ou le secteur privé et entraîne une multiplication des situations de « burnout » ou des décisions de reconversion. Les augmentations salariales issues du Ségur de la santé n’ont ni bénéficié à tous de la même façon, ni permis de compenser la perte de pouvoir d’achat des infirmières au cours des 25 dernières années. Par ailleurs, les rémunérations beaucoup plus importantes versées aux intérimaires appelés à combler les manques renforcent le défaut d’attractivité des carrières hospitalières.

Le constat est accablant et la crise profonde que nous vivons ne pourra être résolue sans l’implication de toutes les parties prenantes. Nos associations ont des propositions basées sur leur expérience de terrain et elles demandent que la voix des malades chroniques que nous représentons soit entendue et prise en compte.

C’est pour cette raison que nous demandons, Monsieur le président, Madame la premièreministre, Madame la ministre, que vous nous receviez sans délai afin de partager avec vous non seulement nos inquiétudes, mais également les pistes de travail que nous souhaitons voir discutées au cours de la conférence de santé, qui devrait débuter ses travaux dans les prochains jours sous peine de trahir l’engagement pris devant les Français.

Nous vous prions de croire, Monsieur le président, Madame la première ministre, Madame la ministre, en l’assurance de nos sentiments les meilleurs.

Liste des associations signataires :

  • ADMD
  • Aider à Aider
  • AFA-Crohn-RCH France
  • AFH
  • AFM-Téléthon
  • AFPric
  • AFSEP
  • AIDES
  • AMADYS
  • AMFE
  • ANDAR
  • Association Laurette Fugain
  • Cancer Contribution
  • EGMOS
  • ELLyE
  • EndoFrance
  • FFAAIR
  • FFD
  • Fédération CAIRE
  • FNAPSY
  • France Greffe Coeur et/ou Poumons
  • France Lyme
  • France Rein
  • Juris Santé
  • Mélanome France
  • Patients en réseau
  • Renaloo
  • Rose up
  • Séropotes
  • Transhépate
  • UAFLMV
  • UNAPECLE
  • Vaincre la mucoviscidose

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Lettre ouverte au president du 3 juin 2022

Lettre de SFGM-TC du 15 juin 2022